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Profession chasseur d’entreprise : enquête sur ces jeunes surdiplômés qui sont des fonds d’investissement à eux tout seuls

By 25 septembre 2023octobre 26th, 2023No Comments

Retrouvez l’article de Richard Flurin, paru dans le Figaro

Profession chasseur d’entreprise : enquête sur ces jeunes surdiplômés qui sont des fonds d’investissement à eux tout seuls

ENQUÊTE – Venu des États-Unis, le modèle du fonds de reprise («search fund» en anglais) séduit de plus en plus de diplômés des grandes écoles français. Un bon moyen d’entreprendre tout en limitant les risques.

Ils ne sont qu’une vingtaine en France. Vingt-cinq tout au plus. On les appelle les «searchers» («chercheurs» en français) et seuls quelques acteurs de la finance ont connaissance de leurs activités. On s’étonne d’ailleurs de voir la presse généraliste s’intéresser à ce milieu pour le moins confidentiel. Ce qu’ils recherchent ? «L’entreprise parfaite», lâche l’un d’entre eux. C’est-à-dire celle qui correspond à un ensemble de critères financiers et stratégiques extrêmement précis qui échappent aux profanes. Une fois rachetée – si le propriétaire y consent – ils espèrent pouvoir la faire prospérer et combler ainsi leur passion d’entreprendre.

Le modèle du «search fund» (fonds de reprise en français) est né aux États-Unis dans les années 80, sur les campus de Harvard et Stanford, qui trustent le sommet du classement de Shangaï depuis plusieurs décennies. Sous la houlette d’un professeur spécialisé en entrepreneuriat, du nom d’Irving Grousbeck, les élèves de ces universités américaines ont capitalisé sur leur réussite scolaire (à défaut de leur expérience) pour réunir des fonds auprès d’investisseurs. Avec cet argent, ils se mettent en quête d’une entreprise qui correspond aux critères attendus pour la racheter et la développer encore davantage. Les Américains appellent cela l’«Entrepreneurship Through Acquisition» : entreprendre par l’acquisition.

Ces chasseurs d’entreprises sont des fonds d’investissement à eux tout seuls. Ils s’entourent d’investisseurs qui parient sur eux et sur leur capacité à trouver la perle rare, mais aussi à diriger l’entreprise une fois l’acquisition bouclée. «Le “search fund” est un modèle qui est fondé sur la confiance», note Ariane Olive, avocate en droit des affaires et fondatrice du cabinet Spark Avocats, qui a accompagné tous les «searchers» français dans le montage de leur fonds. En plus de leur argent, les investisseurs jouent un rôle de mentor pour le jeune repreneur, distillant conseils et appréciations. D’autant que les financeurs sont pour certains d’anciens entrepreneurs, voire d’anciens «searchers».

Passion entrepreneuriale

La levée de fonds s’opère en deux temps. Les investisseurs, généralement une quinzaine, financent tout d’abord les recherches de leur poulain à hauteur de 400.000 euros. De quoi le rémunérer pendant les deux années de recherche, mais surtout de quoi financer les déplacements, les stagiaires, les outils numériques, et tout ce qui s’avère indispensable à cette mission. Une fois l’entreprise trouvée, le «searcher» lève une seconde fois des fonds auprès de ses investisseurs pour financer le rachat des parts de l’entreprise (entre 1 et 50 millions d’euros selon la taille de la société). Lui-même récupère une partie des parts et occupe le poste de dirigeant.

Le «search funding» a émigré en France très récemment par le truchement des grandes écoles de management. À commencer par l’INSEAD, dont le MBA (Master of Business Administration) est très réputé dans les milieux d’affaires. C’est au cours de cette formation pour les cadres dirigeants qu’Hugo Pruvost, ingénieur de formation, a découvert l’existence du modèle. Tandis que la passion entrepreneuriale le dévore, cet ancien cadre industriel converti à la fusion-acquisition est séduit. Le trentenaire a de surcroît toutes les qualités pour briller dans les différentes étapes du long processus d’acquisition puis de reprise. Tant pis pour les projets de start-up, remisés aux placards. En quatre mois, sa première levée de fonds de 400.000 euros est bouclée. Son «search fund» Mors Transmission est né.

Tout reste à faire et la tâche est plutôt ardue. Il faut, avec ses modestes moyens, analyser le profil de milliers de PME aux quatre coins de la France pour savoir si elles rentrent dans ses standards. Il est aidé pour cela par quatre stagiaires qui partagent ses bureaux. Mais là n’est pas le plus délicat : une fois l’entreprise identifiée, il reste encore à convaincre son dirigeant de lui céder ses parts. La concurrence avec des fonds de capital-investissement traditionnels ne facilite pas l’affaire. D’autant que les «searchers» sont souvent jeunes, assez peu charpentés, ce qui est de nature à effrayer un cédant. «Je prends le contre-pied et me présente auprès de ces entrepreneurs comme le fils qu’ils n’ont jamais eu», explique Hugo Pruvost.

«Une aventure humaine»

Le storytelling ne s’arrête pas là. Le repreneur contacte systématiquement les entrepreneurs par un courrier «écrit à l’encre bleu» dans lequel il se présente, ajoutant une photographie de lui tout sourire. «C’est une aventure humaine avant tout», justifie Hugo Pruvost, qui échange avec plusieurs entrepreneurs par jour. Autre atout dans sa manche : son engagement dans la durée. Le trentenaire se dit prêt à rester vingt ou trente ans aux manettes de la société, quitte à racheter les parts des investisseurs désireux de récupérer leur dû passé un certain délai. Une façon de se distinguer des fonds d’investissement traditionnels qui ne sont guidés que par le rendement à court ou moyen terme. «Lorsqu’on souhaite reprendre des sociétés de cette taille (moins de 500 salariés, NDLR), l’aspect humain est fondamental, il peut même parfois primer sur le financier dans les discussions avec le cédant», explique Ariane Olive.

Et si les recherches n’aboutissent pas ? Le «searcher» n’a plus qu’à retourner sur le marché du travail, sans avoir à rembourser la quinzaine de financiers qui avaient parié sur sa réussite. «Le ticket d’entrée n’est que de quelques dizaines de milliers d’euros pour les investisseurs, ce n’est pas grand-chose pour eux», analyse l’avocate en droit des affaires. Le risque d’échec fait partie intégrante de l’aventure. À l’échelle mondiale, entre un quart et un tiers des «searchers» se retrouvent bredouilles. Ariane Olive souligne que les statistiques sont nettement meilleures en France, puisque seulement un seul a fini par jeter l’éponge sur les vingt-cinq qu’elle a accompagnés.

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