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Reprise d’entreprise : où sont les femmes ?

By 29 mars 2023No Comments
les echos reprise

Cette semaine, retrouvez l’article de Yves Vilagines paru dans les Echos 

Syndrome de l’imposture, aversion au risque financier, difficulté à convaincre les cédants majoritairement des hommes… La reprise d’entreprise accentue les inégalités femmes-hommes observées dans la création d’entreprise.

Négocier et conclure des rachats d’entreprise rythme son quotidien. « J’interviens sur le sujet dans des réseaux, des chambres de commerce, des pépinières… explique Ariane Olive, avocate spécialisée en fusion acquisition et fondatrice du cabinet Spark. J’ai même animé un club de repreneurs 100 % masculin. Des femmes ? J’en croise très peu, voire aucune sur des dossiers de plus de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. »

La reprise d’entreprise reproduit, voire amplifie, les inégalités observées dans l’entrepreneuriat féminin. Ainsi, les femmes ne sont encore que 15 % des stagiaires de l’association CRA (Cédants Repreneurs d’Affaires) qui forme, depuis 35 ans, les candidats à la reprise de PME. Et comme dans la création d’entreprise, plus les projets nécessitent des apports financiers importants, moins les femmes sont représentées.

Encourager à voir plus grand

La présence des femmes varie aussi fortement d’un secteur d’activité à l’autre. Selon une étude de CCI France sur près de 1.000 repreneurs, les femmes représentent 61 % des reprises dans le commerce, contre seulement 10 % dans le BTP et même 5 % pour les entreprises industrielles. Comment expliquer cette faible présence ? Là encore, les explications recoupent celles souvent évoquées dans l’entrepreneuriat.

Syndrome de l’imposture , manque de confiance en soi, aversion au risque… « Elles se sentent moins légitimes », assure Caroline Dumond, directrice générale du premier incubateur dédié à la reprise d’entreprise par des femmes, au sein du réseau Les Premières. Lancé à Marseille, puis à Lyon, en début d’année 2022, ce programme de 18 mois vise à conforter les candidates et à les encourager à voir plus grand. Le réseau prévoit l’extension de ce dispositif au niveau national d’ici à la fin de l’année.

« Elles doivent oser sans se mettre de limite », martèle Maud Billard-Coester. Dix ans après avoir créé une première entreprise, la jeune femme vend son affaire et part à la chasse d’une PME à développer. « J’ai identifié une centaine d’entreprises cibles, et réalisé une quarantaine de rendez-vous avant de conclure. J’ai parfois servi de coach aux cédants qui se demandaient qui était cette jeune femme qui voulait les racheter. » En 2011, elle reprend, avec son associé Alexandre Poncet, Kardol, une société d’ingénierie informatique de 25 salariés. L’entreprise est aujourd’hui aux portes de l’ETI avec 250 salariés et 45 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Si les inégalités femmes-hommes sont aussi fortes dans la reprise d’entreprise, c’est aussi parce qu’il s’agit d’un jeu à deux : la repreneuse et le cédant. « Majoritairement, des hommes de plus de 60 ans, indique Caroline Dumond. Face à une femme, ces cédants sont soit emballés, soit tout l’inverse : ils ne la prennent pas au sérieux. »

Repreneuse VS cédant

Pour reprendre la charcuterie Payany à Marseille, Marie Caffarel a dû s’armer de patience. Déjà sa reconversion avait été semée d’embûches. Après dix ans passés en Australie, la jeune femme revenue en France, avait décidé de passer un CAP de boucherie. « Conditions de travail très difficile, maltraitance psychologique, machisme… j’ai changé trois fois de maîtres d’apprentissage. » Puis, lorsqu’elle décroche ses premiers boulots, ses patrons préfèrent la mettre à la caisse plutôt qu’au désossage. Elle mûrit donc le projet de reprendre un commerce.

Son choix se porte sur une charcuterie de quartier, à Marseille, tenue par M. et Mme Payany. « Je leur ai dit que je voulais reprendre. Et je suis venue les voir régulièrement pendant deux ans. » Elle avait perdu espoir, jusqu’au jour où Mme Payany lui annonce qu’ils veulent bien vendre. « Mais cela faisait déjà six mois qu’ils cherchaient un repreneur sans rien me dire. Moi, ils ne me prenaient pas au sérieux. Je suis sûre qu’ils pensaient que j’allais me casser la figure. » L’entrepreneuse confie d’ailleurs : « Même mes parents n’y croyaient pas ! » Quatre ans après la reprise, elle savoure son succès. Marie Caffarel assure avoir doublé le chiffre d’affaires de la boutique, qui désormais emploie quatre personnes, uniquement des femmes !

Faire fi des a priori, vaincre ses peurs… Certaines écartent les obstacles d’une main ferme. « L’accès est équilibré. Ce sont les femmes qui n’y vont pas », affirme Sylvie Bondil. Lors de son stage au CRA, elle était la seule femme parmi 16 hommes, mais n’a remarqué aucune discrimination pendant sa recherche de cible. Ancienne PDG de la marque de chaussures Pataugas, elle a finalement repris un glacier artisanal à Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine, qu’elle a renommé « Moustache ». De cinq personnes au rachat, son entreprise est passée à plus de 30 salariés aujourd’hui, et le chiffre d’affaires devrait dépasser les 4 millions d’euros cette année. L’entrepreneuse croyait en elle, mais admet que le soutien inconditionnel de son conjoint et de ses enfants a contribué à sa réussite.

Sophie SPARK

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