L’application du barème fixé par l’article L. 1235-3 du Code du travail – qui encadre dans un dispositif plancher/plafond les dommages-intérêts alloués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse – a fait couler beaucoup d’encre.
Au mois de juillet 2019, la Cour de cassation avait rendu deux avis de la Cour de cassation (avis n° 19-70.010 et 19-70.011) par lesquels elle validait la conventionnalité du barème Macron.
S’il pouvait être attendu que les juridictions se rallient à ces avis, l’inopposabilité du barème demeure régulièrement soulevée dans les prétoires. L’objectif étant de « faire sauter le plafond » au motif que le préjudice doit être intégralement réparé, ce que ne permet pas l’application d’un plafond.
Or, des décisions sont régulièrement rendues. Ecartant le barème non dans son principe, mais au regard de situations particulières.
C’est le cas :
- De la Cour d’appel de Paris qui, tout en validant le barème, se réserve la faculté d’y déroger au cas par cas (Cour d’appel de Paris, 18 septembre 2019, n° 17/06676),
- De la Cour d’appel de Reims qui, dans un arrêt du 25 septembre 2019 (RG n°19/00003), valide le principe du barème, tout en estimant que cette validité n’empêche pas le juge d’apprécier la proportionnalité de l’indemnisation avec la situation personnelle du salarié, en vérifiant si le barème « n’impose pas des charges démesurées par rapport aux résultats recherchés » ;
- et de la Cour d’appel de Bourges dans une décision du 6 novembre 2020 (RG n°19/00585), qui considère que le barème peut être écarté au cas par cas, en fonction de la situation du salarié concerné ;
Il y a quelques jours, poursuivant sa logique, la Cour d’appel de Paris a une nouvelle fois pris du recul vis-à-vis du barème (16 mars 2021 RG n°19/08721). Et écarté le barème au vu des circonstances du dossier au nom d’une réparation adéquate et appropriée :
« La perte de revenus subie entre le licenciement et jusqu’en août 2019, s’élève en moyenne à près de 1.500 par mois et, sur la période considérée à plus de 32.000 euros. […]
Eu égard à [son] ancienneté et à la taille de l’entreprise, l’article L. 1235-3 du code du travail fixe l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme comprise entre 3 et 4 mois de salaire. Soit sur la base d’un salaire moyen de 4.403,75 euros bruts, une indemnité oscillant entre 13.211,25 et 17.615 euros.
Cette somme représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement.
Compte-tenu de la situation concrète et particulière de Mme X, âgée de 53 ans à la date de la rupture et de 56 ans à ce jour, le montant prévu par l’article L. 1235-3 ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 d l’OIT.
En conséquence, il y a lieu d’écarter l’application du barème résultant de l’article L. 1235-3 du code du travail. »
Sur la base de ce constat, la Cour d’appel de Paris alloue à la Salariée des dommages-intérêts d’un montant de 32.000 €. Soit le double du plafond fixé par le barème.
Cette somme correspond en réalité à la différence entre la rémunération mensuelle avant le licenciement et le montant des indemnités-chômage perçues par la Salariée.
En d’autres termes, la position de certaines juridictions revient à appliquer le barème tant qu’il répare intégralement le préjudice, mais tout en se laissant la possibilité d’y déroger dans le cas contraire…Ce qui revient fondamentalement à rejeter le principe même d’un plafonnement indemnitaire.
La Cour de cassation devrait être saisie de cet arrêt, un pourvoi ayant été annoncé.
Une position claire est plus que jamais nécessaire.
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