Dans un marché du M&A en plein boom, les PME et ETI craignent parfois d’ouvrir leur gouvernance, notamment lorsqu’il s’agit d’entreprises familiales. Comment les accompagner au mieux dans cette démarche ?
Regards croisés
La perte d’agilité
C’est, selon l’associée de Spark Avocats, Ariane Olive, la principale crainte des PME/ETI au moment d’un rachat. « Ce sont des convictions sur lesquelles il faut évangéliser, car bien souvent, une reprise apporte au contraire un “input” stratégique qui est créateur de valeur et non destructeur d’agilité », affirme l’avocate. Du point de vue des contraintes juridiques, la clause d’earn-out, qui permet de fixer une partie du prix payé par l’acquéreur sur les performances futures de l’entreprise, alimente cette réticence.
« Il existe une solution assez simple à cela, notamment lorsque l’on accompagne le cédant : organiser un process de mise aux enchères, indique Alexandre Briand, directeur associé d’In Extenso Finance et Transmission. Dès lors qu’il y a mise en concurrence, on peut faire fi de ce genre de choses. Il faut alors présenter un budget hors Covid-19 et imaginer ce que cela pourrait être, et pas seulement un résultat réel. »
Chasse et pêche
Autre tendance depuis la pandémie, le retour des fameuses clauses MAC (material adverse change), qui autorisent l’acquéreur à se retirer en cas d’événement défavorable contractuellement défini.
« Il s’agit de bien la circonscrire en termes de résultat, de pourcentage de chiffre d’affaires, ou en définissant ce qu’est un élément significatif, détaille Alexandre Briand. Sinon, c’est une épée de Damoclès insupportable dans un deal M&A, inadmissible actuellement pour un vendeur compte tenu du contexte. »
Pour Frédéric Flipo, directeur général délégué et fondateur de la société Evergaz, tout est une question de modélisation. En novembre dernier, sa société a ainsi pu mettre la main sur le groupe familial allemand C4 via la création de 3E Biogas, groupe dédié à l’investissement dans les projets de production, de distribution ou d’équipement de biogaz en Allemagne. « Lorsque nous leur avons demandé pourquoi ils nous avaient choisis alors même que nous n’avons pas de proximité culturelle, ils ont indiqué que c’était pour notre projet qui permettait à leur société de ne pas être démantelée », raconte Frédéric Flipo. Un critère non négligeable lorsque l’on traite avec des entreprises familiales, où l’humain entre largement en ligne de compte.
« De manière générale, en matière de M&A, il vaut mieux aller à la chasse qu’à la pêche, illustre de son côté Emmanuel Denoulet, investisseur chez Bpifrance. La pêche est une manière passive d’aborder sa stratégie de croissance externe, quand la chasse permet d’être organisé, d’avoir un cahier des charges bien défini et de gagner ainsi du temps et de l’argent. De manière générale, il faut toujours chercher à savoir pourquoi la société est à vendre, et se faire parfois accompagner par un négociateur dans la mesure où les discussions peuvent être trop émotionnelles. »
Une longue gestation
Côté cédants, Ariane Olive l’assure : il faut en ce moment être plus transparent que jamais. « Côté acquéreur, il s’agit de faire preuve de pédagogie et d’appréhender un processus de façon pratico- pratique, avec un maximum de simplification », ajoute- t-elle.
Un avis partagé par Alexandre Briand, qui recommande d’être à la fois pragmatique et méthodique. « Un processus d’achat permet aussi de se structurer en interne et de fédérer ses équipes autour de ce projet, souligne-t-il. En ce qui concerne la cession, la première chose à faire, c’est de se demander si l’on a de bonnes raisons de vendre sous peine de faire perdre du temps à tout le monde. Il s’agit ensuite de préparer la vente avec un gestionnaire de patrimoine ou un fiscaliste, puis de rencontrer un spécialiste du M&A pour évoquer le déroulement du process.»
La moyenne d’une opération de cession étant de 6 à 9 mois, et les conséquences nombreuses, mieux vaut en effet prendre ses précautions…