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Le droit du travail sous influence européenne

By 17 juillet 2025No Comments
Le droit du travail sous influence européenne

 

Le droit du travail sous influence européenne

 

La hiérarchie des normes en droit français et européen

La hiérarchie des normes est un pilier fondamental du droit moderne. Selon cette théorie, les normes sont organisées de manière pyramidale, où chaque niveau tire sa validité du niveau supérieur :
  • Au sommet de cette hiérarchie des normes se trouvent les normes constitutionnelles : en France, il s’agit du texte constitutionnel de 1958 ainsi que du bloc de constitutionnalité, lequel inclut notamment la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, le Préambule de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004 ;
  • Puis viennent ensuite les normes supranationales, dont les principales, en France, sont régies par la Convention Européenne des Droits de l’Homme et le droit de l’Union européenne ;
  • Cette hiérarchie est enrichie par l’intégration des Directives européennes, actes législatifs qui lient les États membres de l’Union européenne quant aux résultats à atteindre, mais qui laissent néanmoins aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ; une fois adoptées au niveau européen, les directives doivent être transposées dans le droit interne des États membres, dans un délai déterminé.

Une influence concrète sur le droit du travail français

Le droit du travail n’échappe pas à ces influences européennes : la lettre de mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne le 18 juin dernier en est une nouvelle démonstration.

L’arrêt Pereda et le report des congés en cas de maladie

Selon la jurisprudence constante de la CJUE, notamment dans l’arrêt Pereda (CJUE, 10 sept. 2009, aff. C-277/08), un salarié qui tombe malade avant ou pendant ses congés payés doit avoir la possibilité de reporter les jours de congés non effectivement pris.

La Cour rappelle que l’objectif du congé payé est de permettre un véritable repos et une détente. Cet objectif est incompatible avec une période d’incapacité de travail.

Une divergence avec le Code du travail français

Or, le Code du travail français ne prévoit pas la suspension ou le report automatique des congés payés lorsqu’un salarié tombe malade pendant ses vacances. Ce qui compte, c’est la première cause de suspension du contrat.
Dans la mise en demeure adressée à la France le 18 juin 2025, la Commission européenne considère que cette lacune constitue une violation manifeste de la directive 2003/88/CE sur le temps de travail. Selon elle, cela prive les salariés français de l’effectivité de leur droit au congé payé.

Une réforme du droit en perspective ?

Cette procédure d’infraction vise à contraindre la France à modifier son droit interne afin de :
  • Permettre le report automatique des congés affectés par une maladie survenue pendant leur déroulement ;
  • Garantir que le salarié puisse effectivement bénéficier du repos auquel il a droit.

La France dispose d’un délai de deux mois pour répondre à cette mise en demeure et remédier aux manquements signalés par la Commission. Cette procédure d’infraction peut d’ailleurs conduire à des sanctions si la France ne se conforme pas à ses exigences, la Commission pouvant saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de solliciter sa condamnation pour manquement à ses obligations, avec des astreintes financières jusqu’à ce que la conformité soit atteinte.

Vers une clarification du droit aux congés en cas de          maladie ?

Cette injonction s’inscrit dans la continuité d’une décision de la CJUE. Celle-ci avait déjà jugé que les salariés en arrêt maladie devaient continuer à acquérir des congés payés. Elle s’appuie sur le droit au repos et à la santé (directive 2003/88/CE). Cette décision allait à l’encontre du droit français.

En effet, celui-ci ne prévoyait cette acquisition que pour les arrêts d’origine professionnelle. Cela a conduit à une réforme légale, introduite par la loi du 22 avril 2024, qui a modifié l’article L.3141-5 du Code du travail.

Sécurité juridique et équilibre pour les employeurs

Il ressort de tout cela une insécurité juridique pour les entreprises françaises. Les enjeux économiques et financiers sont importants.
Plutôt que de subir une réforme imposée par la voie judiciaire, il serait peut-être préférable d’anticiper cette évolution du droit. Il serait possible d’encadrer le report des congés dans des conditions strictes, vérifiables et équilibrées. Cela permettrait d’être conforme à la jurisprudence européenne sans créer d’insécurité opérationnelle pour les employeurs.
Il ne s’agit pas d’un élargissement illimité des droits. C’est une clarification nécessaire pour garantir un cadre lisible, équitable et conforme aux engagements européens de la France.
Une réforme à droit constant, mais mieux appliqué, est à portée de main. Encore faut-il faire le choix de la cohérence et de la sécurité juridique.

Avocat Associé
Juriste Stagiaire