Deux brèves récentes dans la presse généraliste nous conduisent à examiner le droit de préemption de l’Etat sur les biens culturels dépendant de procédures collectives : l’affaire ARISTOPHIL et la procédure de liquidation judiciaire (encore en cours) de la Maison SONIA RYKIEL.
Dans la première affaire, les opérations de liquidation judiciaire (non encore terminées à ce jour) avaient pour objet la vente de 135.000 manuscrits divers et variés dont une partie pouvait intéresser certaines institutions culturelles françaises.
Dans la seconde affaire, la Mairie de Paris a fait part de son souhait de pouvoir « capter » les archives de la styliste SONIA RYKIEL afin d’augmenter le fond documentaire du Musée Galliera et a demandé au Ministère de la Culture d’intervenir à cette fin.
L’Etat a en effet la faculté de « capter » (par souci de protection de biens exceptionnels) ces biens culturels sur la base des deux mécanismes suivants.
- Le droit de préemption sur les biens culturels
Il s’agit du droit de préemption prévu par le Code du Patrimoine (article L. 123-1) qui permet à l’Etat de se subroger à l’adjudicataire d’un bien culturel dans le cadre d’une vente publique ou de l’acheteur dans le cadre d’une vente de gré à gré (si elle est organisée postérieurement à une vente publique au cours de laquelle le bien n’aura pas été vendu).
Ce droit de préemption ne disparaît pas lorsque le bien culturel vendu dépend d’une procédure de liquidation judiciaire et l’officier ministériel chargé de la vente doit informer le Ministère de la Culture 15 jours avant la date de la vente ou dès qu’il est saisi si le délai de 15 jours ne peut être respecté.
En pratique c’est le Ministère de la Culture qui intervient pour le compte de l’Etat (et des collectivités territoriales) à savoir pour le compte des musées, des établissements publics (bibliothèques)…
C’est en application de cette disposition que la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris a préempté « La Belle et la Bête, Journal d’un film » manuscrit de Jean Cocteau dans le cadre de la vente aux enchères publiques des manuscrits de la société ARISTOPHIL en liquidation judiciaire.
- Le droit de préemption sur les archives des sociétés en liquidation
Il s’agit du droit de préemption de l’Etat prévu par l’article L. 642-23 du Code de Commerce qui porte spécifiquement sur les archives.
Ce droit de préemption est exercé par la Direction des Archives de France peu important que la vente intervienne aux enchères publiques ou de gré à gré voire en l’absence de toute cession (il s’agira alors plutôt d’un droit d’appréhension).
Dès lors que le liquidateur envisage la vente ou la destruction des archives du débiteur, il doit informée la Direction des Archives de France qui dispose d’un délai de réponse de 15 jours.
Cette disposition est moins utilisée par l’Etat que la précédente mais ne doit pas être négligée dans des cas spécifiques comme les archives de sociétés de la mode, du design ou de l’industrie du spectacle au sens large.
Notons toutefois, à notre sens, que si l’Etat devient propriétaire des biens et archives, ce n’est que dans leur composante physique à l’exclusion donc des éventuels droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur) qui y serait attaché.