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La piège du forfait jour : le suivi de la charge de travail

By 21 février 2019avril 6th, 2022No Comments

Nombre de cadres autonomes dans la gestion de leur emploi du temps, et non-cadres disposant d’une autonomie effective dans l’organisation de leur temps de travail, sont soumis à un forfait jour.

Ce forfait permet à l’employeur de s’exonérer du règlement des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos, et de ne pas procéder à un décompte en heures, mais simplement à un décompte en journées ou demi-journées travaillées, sans référence horaire.

Les seules dispositions relatives à la durée du travail que le salarié en forfait jour doit respecter sont les suivantes :

  • 11 heures de repos continu quotidien ;
  • 35 heures de repos continu hebdomadaire, c’est-à-dire une journée de repos de 24 heures + 11 heures de repos continu quotidien.

Il est donc extrêmement avantageux pour les entreprises.

Pour les salariés, l’avantage du forfait jour est généralement une meilleure rémunération que leurs collègues soumis à la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires, et le principe selon lequel ils peuvent s’absenter de leur poste pour une raison personnelle sans avoir à s’en justifier : la flexibilité est l’apanage du forfait jour.

Toutefois, sa validité est soumise à plusieurs conditions cumulatives :

  • Il ne peut être conclu qu’avec les salariés cadres autonomes, ou des salariés dont l’horaire ne peut être prédéterminé ;
  • Il doit être autorisé et ses modalités doivent être prévues par accord de branche ou d’entreprise qui prévoit des garanties suffisantes pour le salarié qui y est soumis, notamment en termes de rémunération, de suivi de sa charge de travail et de respect de sa vie privée ;
  • Une convention individuelle de forfait doit être conclue, étant relevé qu’elle doit respecter les dispositions légales et conventionnelles.

Au surplus, s’assurer du respect de ces conditions lorsque l’on souhaite conclure un forfait jour n’exonère pas l’entreprise de son obligation de suivi.

En effet, si l’employeur n’est pas attentif à l’application du forfait jour, celui-ci est alors inopposable au salarié qui y était normalement soumis.

Ce salarié sera donc considéré comme étant soumis à la durée légale du travail et pourra, s’il étaye suffisamment son dossier, revendiquer le paiement d’heures supplémentaires devant les juridictions prud’homales.

La Cour de cassation a rappelé une nouvelle fois ce principe dans son arrêt du 19 décembre 2018 (Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2018, n°17-18.725) :

« Mais attendu qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours ;

qu’ayant relevé qu’il n’était pas établi par l’employeur que, dans le cadre de l’exécution de la convention de forfait en jours, le salarié avait été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l’amplitude de son temps de travail, la cour d’appel, qui en a déduit que la convention de forfait en jours était sans effet, en sorte que le salarié était en droit de solliciter le règlement de ses heures supplémentaires a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ».

En d’autres termes, pour que le forfait jour soit opposable, encore faut-il :

  • Qu’un décompte des journées et demi-journées travaillées par le salarié en forfait jour soit établi.
  • Mais encore, que l’employeur respecte les modalités de suivi du forfait jour prévues par la convention collective ou l’accord d’entreprise qu’il a pu négocier.
    Ce suivi se traduit entre autres par l’organisation d’au moins un entretien annuel sur le suivi du forfait jour, voire plusieurs lorsque l’accord l’instituant le prévoit.
  • Durant ces entretiens, il faut évoquer avec le salarié soumis au forfait jour sa charge de travail et sa rémunération, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que l’organisation du travail dans l’entreprise…

Or, nous constatons quotidiennement que les entreprises, par méconnaissance ou simple oubli, omettent de procéder à ce suivi, pourtant essentiel à l’opposabilité de la modalité de décompte du temps de travail qu’elles appliquent et à la préservation de la santé du salarié soumis au forfait jour.

Dans ces conditions, nous ne saurions que trop conseiller de bien veiller au suivi du forfait jour et de se ménager la preuve du suivi, en cas de contentieux prud’homal.

A défaut, les conséquences pécuniaires issues de la revendication du paiement d’heures supplémentaires peuvent être colossales

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