Cette semaine, retrouvez la tribune d’ Ariane Olive parue dans le magazine Entreprendre
L’entrepreneur qui s’engage dans un projet de reprise d’une PME doit composer avec une variété de risques (juridiques, financiers, industriels, etc.). Pris dans la complexité des négociations et la volonté de conclure la transaction, il n’est pas rare qu’il passe à côté de signaux défavorables qui doivent l’interroger sur sa stratégie de rachat. Pour ne pas mettre en péril le deal, c’est à son conseil que revient la tâche de l’aider à cartographier ces zones de risque. En particulier celles reposant sur l’humain, et d’accompagner le dirigeant dans le choix de ses risques plutôt que de les subir.
Traditionnellement, lors d’une opération de rachat, les regards du dirigeant repreneur et de ses conseils se portent sur les risques classiques liés à la transaction, et identifiés lors des due diligences d’acquisition. Or, la pratique montre que cela n’est pas toujours suffisant. L’aventure entrepreneuriale, côté cédant comme acquéreur, est avant tout une histoire d’hommes et de femmes, d’aspirations et d’émotions. Ce terreau humain est d’ailleurs propice à l’accumulation de signaux faibles, dont l’analyse est aussi cruciale que celle des KPIs financiers ou opérationnels.
Appréhender les risques
La reprise d’une société par un dirigeant extérieur, ou le management buy-in (MBI) est une opération par nature des plus risquées, notamment lorsqu’il s’agit d’une PME. L’acquéreur est en effet confronté à une réalité de « 20-20 » : il ne possède que 20 % de l’information sur une société qui a souvent reposé toute une génération (plus ou moins 20 ans) sur son dirigeant propriétaire.
En sus de cette asymétrie d’informations, le potentiel acquéreur est souvent dans l’urgence, la précipitation de « closer » le deal. En effet, le repreneur, personne physique, souhaite retrouver un statut social, un projet d’entreprise. Dans la majorité des cas, il s’agit d’anciens cadres dirigeants ayant quitté leur groupe avec une assise financière. Ils se retrouvent confrontés à un marché dans lequel le nombre de repreneurs est plus important que les opportunités de rachat. C’est un temps très long pour eux. Il leur faut patienter souvent plus de 12 à 18 mois en moyenne avant de finaliser une négociation avec une cible.
Dès lors, on comprend aisément que la perspective d’un deal fait entrer le repreneur dans une dimension où le temps s’accélère. Mais il est à la fois victime de fausses croyances – la cible est toujours plus belle que ce qu’elle est en réalité ! Et d’un effet d’œillères. Les signaux faibles, défavorables passent au second plan. Bien sûr, il faut appréhender les risques classiques (périmètre d’activité, prix, garantie d’actif/passif, financement, contrats, délais, etc.), ultimement balisés par les due diligences. Mais dès le début du processs, la lettre d’intention, ou letter of intent (LOI), est un outil juridique. Mais aussi grandement un outil diplomatique et politique vis-à-vis du cédant. Elle nécessite un bainstorm complet autour des premiers éléments et des signaux faibles du dossier.
En effet, outre sa capacité à mettre en échec l’opération dans le cadre des négociations, le facteur humain détermine la capacité d’un deal à produire son plein effet. L’organisation humaine de la cible, marquée par l’empreinte du dirigeant actionnaire et de sa posture managériale, doit être analysée exhaustivement. De manière à activer tous les leviers opérationnels et fonctionnels de la stratégie de développement choisie (secteur, marché, clients, fournisseurs, KPIs de la cible, etc.).
Circonscrire le risque humain
Nous l’avons rapidement évoqué : le premier degré de gestion du risque humain se trouve au niveau du repreneur lui-même. Il est animé par une forte volonté de retourner rapidement aux affaires. C’est toute la dimension psychologique du deal qu’il convient d’appréhender et de gérer. Il faut à la fois cartographier les points forts et faibles de l’opération, rassurer le repreneur, et doper sa confiance. Un subtil équilibre.
Le deuxième facteur humain concerne bien entendu le cédant. Dans une PME, la culture de l’entreprise est incarnée par le dirigeant, souvent fondateur de la société. Chez les cédants propriétaires, la vente de l’entreprise est loin de se résumer au prix. La transmission d’une philosophie d’entreprise, d’une histoire, d’un savoir-faire, d’une équipe et du respect de son travail accompli, sont des éléments qui, s’ils ne sont pas pris au sérieux, sont « deal-breaker». Il est impératif de construire une relation de confiance avec le cédant. Cela passe par l’élaboration et la pérennisation d’un échange suffisamment investi, réfléchi, et humble de la part du repreneur.
Si la personne du cédant est un risque fort, l’entreprise, en tant qu’organisation, peut-elle aussi apporter son lot d’inquiétudes et faire augmenter le profil de risque du MBI. La matérialisation de ce risque survient souvent a posteriori lors des premières semaines/mois suivant la vente . Mais le repreneur a tout intérêt à s’enquérir de la culture d’entreprise dès que possible. L’objectif est ainsi de mieux sentir les dynamiques de groupe. Et de repérer les personnalités qui auront un rôle clé à jouer dans la diffusion de ses idées et de son discours. Une écoute active permettra aussi au repreneur de s’approprier les éléments de langage de l’entreprise. Et facilitera sa future intégration.
Mesurer et piloter les risques
De manière à limiter les risques afférents à la reprise d’une PME, et même si cela est peu commun, il est à notre sens utile de co-construire une grille d’évaluation des risques avec le repreneur. Comme on rédige une fiche de cadrage, finalement. Cette grille d’évaluation, qui reprend tous les types de risque (apport, délais, santé du repreneur, concurrence, etc.) et leur niveau d’intensité (de très faible à très fort), fait office de diagnostic de l’appétence générale du repreneur aux risques. In concreto, il s’agit de mieux connaître le repreneur, les sujets plus ou moins négociables. Et de gagner en efficacité décisionnelle dans le cadre du processus de rachat.
Une seule réserve : ce diagnostic demeure théorique ! C’est une démarche d’anticipation tandis que le deal relève lui d’une dynamique agile. Où les forces et les faiblesses de chacun évoluent au gré des négociations. Des signaux faibles vont apparaître au fur et à mesure qui n’auront pas été anticipés. Il apparaît donc important d’actualiser et de corriger de façon régulière cette grille d’évaluation.
Enfin, cela peut tomber sous le sens, mais le pilotage des risques ne peut se faire qu’avec le plein engagement et en toute transparence avec le repreneur. Comme indiqué, les repreneurs en MBI sont des profils expérimentés qui portent un certain nombre d’idées préconçues sur les entreprises cibles, a fortiori lorsqu’ils connaissent très bien leur secteur d’activités. Ils doivent rester « méfiants » face à leur propre expérience pour pouvoir tomber les œillères, identifier les signaux faibles. Et s’aligner sur le rééquilibrage, voire le retrait d’un deal, dès lors que les conditions de succès – opérationnelles, financières et humaines donc ! – ne sont plus remplies.
Bref, la magie de l’humain !
Pour en savoir plus sur notre expertise en acquisition d’entreprise
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L’entrepreneur qui s’engage dans un projet de reprise d’une PME doit composer avec une variété de risques (juridiques, financiers, industriels, etc.). Pris dans la complexité des négociations et la volonté de conclure la transaction, il n’est pas rare qu’il passe à côté de signaux défavorables qui doivent l’interroger sur sa stratégie de rachat. Pour ne pas mettre en péril le deal, c’est à son conseil que revient la tâche de l’aider à cartographier ces zones de risque. En particulier celles reposant sur l’humain, et d’accompagner le dirigeant dans le choix de ses risques plutôt que de les subir.
Traditionnellement, lors d’une opération de rachat, les regards du dirigeant repreneur et de ses conseils se portent sur les risques classiques liés à la transaction, et identifiés lors des due diligences d’acquisition. Or, la pratique montre que cela n’est pas toujours suffisant. L’aventure entrepreneuriale, côté cédant comme acquéreur, est avant tout une histoire d’hommes et de femmes, d’aspirations et d’émotions. Ce terreau humain est d’ailleurs propice à l’accumulation de signaux faibles, dont l’analyse est aussi cruciale que celle des KPIs financiers ou opérationnels.
Appréhender les risques
La reprise d’une société par un dirigeant extérieur, ou le management buy-in (MBI) est une opération par nature des plus risquées, notamment lorsqu’il s’agit d’une PME. L’acquéreur est en effet confronté à une réalité de « 20-20 » : il ne possède que 20 % de l’information sur une société qui a souvent reposé toute une génération (plus ou moins 20 ans) sur son dirigeant propriétaire.
En sus de cette asymétrie d’informations, le potentiel acquéreur est souvent dans l’urgence, la précipitation de « closer » le deal. En effet, le repreneur, personne physique, souhaite retrouver un statut social, un projet d’entreprise. Dans la majorité des cas, il s’agit d’anciens cadres dirigeants ayant quitté leur groupe avec une assise financière. Ils se retrouvent confrontés à un marché dans lequel le nombre de repreneurs est plus important que les opportunités de rachat. C’est un temps très long pour eux. Il leur faut patienter souvent plus de 12 à 18 mois en moyenne avant de finaliser une négociation avec une cible.
Dès lors, on comprend aisément que la perspective d’un deal fait entrer le repreneur dans une dimension où le temps s’accélère. Mais il est à la fois victime de fausses croyances – la cible est toujours plus belle que ce qu’elle est en réalité ! Et d’un effet d’œillères. Les signaux faibles, défavorables passent au second plan. Bien sûr, il faut appréhender les risques classiques (périmètre d’activité, prix, garantie d’actif/passif, financement, contrats, délais, etc.), ultimement balisés par les due diligences. Mais dès le début du processs, la lettre d’intention, ou letter of intent (LOI), est un outil juridique. Mais aussi grandement un outil diplomatique et politique vis-à-vis du cédant. Elle nécessite un bainstorm complet autour des premiers éléments et des signaux faibles du dossier.
En effet, outre sa capacité à mettre en échec l’opération dans le cadre des négociations, le facteur humain détermine la capacité d’un deal à produire son plein effet. L’organisation humaine de la cible, marquée par l’empreinte du dirigeant actionnaire et de sa posture managériale, doit être analysée exhaustivement. De manière à activer tous les leviers opérationnels et fonctionnels de la stratégie de développement choisie (secteur, marché, clients, fournisseurs, KPIs de la cible, etc.).
Circonscrire le risque humain
Nous l’avons rapidement évoqué : le premier degré de gestion du risque humain se trouve au niveau du repreneur lui-même. Il est animé par une forte volonté de retourner rapidement aux affaires. C’est toute la dimension psychologique du deal qu’il convient d’appréhender et de gérer. Il faut à la fois cartographier les points forts et faibles de l’opération, rassurer le repreneur, et doper sa confiance. Un subtil équilibre.
Le deuxième facteur humain concerne bien entendu le cédant. Dans une PME, la culture de l’entreprise est incarnée par le dirigeant, souvent fondateur de la société. Chez les cédants propriétaires, la vente de l’entreprise est loin de se résumer au prix. La transmission d’une philosophie d’entreprise, d’une histoire, d’un savoir-faire, d’une équipe et du respect de son travail accompli, sont des éléments qui, s’ils ne sont pas pris au sérieux, sont « deal-breaker». Il est impératif de construire une relation de confiance avec le cédant. Cela passe par l’élaboration et la pérennisation d’un échange suffisamment investi, réfléchi, et humble de la part du repreneur.
Si la personne du cédant est un risque fort, l’entreprise, en tant qu’organisation, peut-elle aussi apporter son lot d’inquiétudes et faire augmenter le profil de risque du MBI. La matérialisation de ce risque survient souvent a posteriori lors des premières semaines/mois suivant la vente . Mais le repreneur a tout intérêt à s’enquérir de la culture d’entreprise dès que possible. L’objectif est ainsi de mieux sentir les dynamiques de groupe. Et de repérer les personnalités qui auront un rôle clé à jouer dans la diffusion de ses idées et de son discours. Une écoute active permettra aussi au repreneur de s’approprier les éléments de langage de l’entreprise. Et facilitera sa future intégration.
Mesurer et piloter les risques
De manière à limiter les risques afférents à la reprise d’une PME, et même si cela est peu commun, il est à notre sens utile de co-construire une grille d’évaluation des risques avec le repreneur. Comme on rédige une fiche de cadrage, finalement. Cette grille d’évaluation, qui reprend tous les types de risque (apport, délais, santé du repreneur, concurrence, etc.) et leur niveau d’intensité (de très faible à très fort), fait office de diagnostic de l’appétence générale du repreneur aux risques. In concreto, il s’agit de mieux connaître le repreneur, les sujets plus ou moins négociables. Et de gagner en efficacité décisionnelle dans le cadre du processus de rachat.
Une seule réserve : ce diagnostic demeure théorique ! C’est une démarche d’anticipation tandis que le deal relève lui d’une dynamique agile. Où les forces et les faiblesses de chacun évoluent au gré des négociations. Des signaux faibles vont apparaître au fur et à mesure qui n’auront pas été anticipés. Il apparaît donc important d’actualiser et de corriger de façon régulière cette grille d’évaluation.
Enfin, cela peut tomber sous le sens, mais le pilotage des risques ne peut se faire qu’avec le plein engagement et en toute transparence avec le repreneur. Comme indiqué, les repreneurs en MBI sont des profils expérimentés qui portent un certain nombre d’idées préconçues sur les entreprises cibles, a fortiori lorsqu’ils connaissent très bien leur secteur d’activités. Ils doivent rester « méfiants » face à leur propre expérience pour pouvoir tomber les œillères, identifier les signaux faibles. Et s’aligner sur le rééquilibrage, voire le retrait d’un deal, dès lors que les conditions de succès – opérationnelles, financières et humaines donc ! – ne sont plus remplies.
Bref, la magie de l’humain !
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