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Le « bore out » reconnu comme une forme de harcèlement moral

By 24 juin 2020avril 6th, 2022No Comments
Le "bore out" reconnu comme une forme de harcèlement moral

Le 2 juin dernier, la Cour d’Appel de Paris a pour la première fois reconnu le « bore out » comme une forme de harcèlement moral (Paris, n°18-05421).

A l’opposé du burn-out, le « bore out » se caractérise par un état d’épuisement causé par un manque de travail.

Cette décision s’inscrit dans plusieurs cadres légaux :

– l’obligation fixée à l’article L 1222-1 du Code de travail d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. Elle impose au salarié l’obligation d’exécuter de bonne foi les tâches qui lui sont confiées. Et impose de façon corrélative à l’employeur de confier au salarié des tâches conformes au contrat de travail.

– l’obligation qu’a l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Notamment en menant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation. Et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances. Et tendre à l’amélioration des situations existantes. (L 4121-1 du Code du travail)

Ces mesures et contraintes font écho aux dispositions légales de l’article L 1152-1 du Code du travail prohibant toute forme de harcèlement. «Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Dès lors, un harcèlement moral a pour conséquence de violer l’obligation de sécurité de l‘employeur.

Le burn-out

Le burn-out se définit comme un état de crise et d’épuisement professionnel dans lequel se trouve un salarié ayant accompli une charge de travail trop important. Depuis quelques années, il a été reconnu comme pouvant résulter de faits de harcèlement.  Où tout du moins comme une violation par l’employeur de son obligation d’assurer la santé et la sécurité des salariés.

S’il n’est toujours pas défini par la loi, il permet au travailleur d’engager la responsabilité de son employeur, lorsque le burn-out résulte d’un harcèlement moral ou d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 2 juin dernier, la Cour d’Appel de Paris a pour la première fois reconnu l’existence du bore-out.

En l’espèce, un employé a fait une crise d’épilepsie au volant de sa voiture. Puis a été placé en arrêt-maladie pendant six mois pour finalement être licencié pour absence prolongée. Cela désorganisait l’entreprise et nécessitait son remplacement définitif. Contestant le licenciement, le salarié plaidait que son malaise était la conséquence d’un « bore-out ». Il faisait à cet effet valoir que son mauvais état de santé et sa dépression résultaient du manque de tâches confiées. Puisque durant ses quatre dernières années d’emploi, il considérait avoir été mis à l’écart de l’entreprise. On ne lui avait confié que des tâches mineures ne « correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles ». De plus, il faisait valoir avoir été « affecté à des travaux subalternes relevant de fonctions « d’homme à tout faire » ou de « concierge privé au service des dirigeants de l’entreprise ».

Il en tirait comme conséquence avoir subi des faits de harcèlement moral.

La Cour d’appel a donc suivi cet argumentaire, reconnaissant le « bore-out » comme caractérisant une situation de harcèlement moral.

Cet arrêt doit être rapproché d’une situation préoccupante constatée ces dernières années, le « brown-out ».

Et le brown-out

Il se caractérise par un état dépressif qui ne résulte pas d’un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles, légales ou conventionnelles. Mais par la baisse de l’engagement des salariés qui ne trouvent pas de sens à leur emploi. L’anthropologue américain David Graeber, a identifié ce concept en 2013. Il explique cette perte de sens par l’inutilité des tâches et métiers créés par le progrès technologique.

Cette situation pose dans un premier temps un problématique managériale. Comment « embarquer » les salariés dans un projet d’entreprise dans une logique de performance épanouissante réciproque, sinon en les impliquant et donc en donnant du sens à leur engagement.

On peut par ailleurs se poser la question d’une hypothétique prochaine étape en jurisprudence. Elle consisterait en la reconnaissance d’un « droit à l’épanouissement au travail », portant les obligations contractuelles au-delà de l’obligation légale d’exécution de bonne-foi du contrat de travail.

En d’autres termes, l’employeur qui échouerait à permettre à ses salariés de trouver du sens dans leur emploi courra-t-il le risque de voir sa responsabilité engagée ?

Tel n’est pas le cas aujourd’hui, dès lors que l’employeur ne manque pas à ses obligations contractuelles.
Il fournit à son salarié des tâches adaptées à ses compétences, et ce, dans le cadre du contrat de travail, auquel les deux parties ont consenti librement.

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