
Le barème Macron : encadrement des indemnités de licenciement
Avant 2017 : un système peu lisible pour l’employeur
Avant 2017, le Code du travail permettait à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse d’obtenir des dommages-intérêts. En cas d’ancienneté de deux ans et d’une entreprise de plus de 11 salariés, le minimum versé était de 6 mois de salaire.
En l’absence de ces critères, le juge fixait librement le montant, sans plancher. Cette flexibilité visait à réparer le préjudice, mais elle entraînait une forte incertitude pour l’employeur.
Cette insécurité juridique a souvent été dénoncée comme un frein à l’embauche.
Première tentative de réforme en 2013
La loi du 14 juin 2013 a instauré une indemnité forfaitaire de conciliation. Elle proposait un barème selon l’ancienneté, négocié lors de l’audience de conciliation.
Cependant, cette solution restait imparfaite. En effet, l’accord ne pouvait intervenir qu’à un stade précoce de la procédure, avant que les pièces ne soient échangées. Par conséquent, elle ne supprimait pas le risque judiciaire.
Un barème indicatif en 2016, sans effet contraignant
En 2016, un barème indicatif a été introduit dans le Code du travail. Son objectif était de sensibiliser les parties à l’issue possible du litige. Néanmoins, le juge conservait toute liberté de décision. Ce dispositif a donc eu peu d’impact.
Le barème Macron : la rupture de 2017
L’ordonnance du 22 septembre 2017 a profondément modifié l’article L.1235-3. Désormais, un barème plancher et plafond encadre les indemnités prud’homales. Contrairement aux versions précédentes, ce barème est obligatoire.
Ce nouveau cadre permet à l’employeur de connaître précisément le risque minimum et maximum encouru.
Exemple :
Avant 2017, un salarié avec 2 ans d’ancienneté avait droit à 6 mois minimum, sans plafond.
Aujourd’hui, un salarié avec 5 ans d’ancienneté peut recevoir entre 3 et 6 mois de salaire.
Exceptions au barème
Le barème ne s’applique pas dans certaines situations, notamment :
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Harcèlement
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Discrimination
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Violation d’une liberté fondamentale
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Atteinte à l’égalité professionnelle
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Dénonciation de crimes ou délits
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Protection des salariés élus ou protégés
Dans ces cas, le juge attribue une indemnité minimum de 6 mois, sans plafond.
Validation par le Conseil constitutionnel
Le barème Macron a été contesté par plusieurs députés. Ils estimaient qu’il portait atteinte aux droits des salariés.
Cependant, dans une décision du 21 mars 2018, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif. Il a jugé :
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Que le barème répondait à un objectif d’intérêt général
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Que le critère d’ancienneté était cohérent avec le préjudice subi
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Que les exceptions prévues garantissaient le respect des libertés fondamentales
Contestation judiciaire : la fronde prud’homale
Malgré cette validation, plusieurs conseils de prud’hommes ont refusé d’appliquer le barème. Ils se sont appuyés sur le droit international, notamment :
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La convention OIT n°158
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L’article 24 de la Charte sociale européenne
Trois décisions marquantes sont intervenues en décembre 2018 :
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Troyes (13 décembre) : le barème « sécurise les fautifs » et « n’est pas dissuasif »
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Amiens (19 décembre) : décision similaire, même argumentation
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Lyon (21 décembre) : le barème empêche une indemnisation intégrale du préjudice
Dans chaque cas, les juges ont préféré faire prévaloir le droit international, estimant que le barème ne garantissait pas une réparation suffisante.
D’autres juridictions valident le barème
À l’inverse, d’autres conseils de prud’hommes ont appliqué strictement le barème, par exemple :
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Le Mans (26 septembre 2018) : application conforme au droit européen
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Le Conseil d’État : confirmation de la validité du dispositif
Un débat entre sécurité juridique et justice individuelle
Ce débat oppose deux visions légitimes :
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D’un côté, la prévisibilité pour l’employeur, qui favorise l’embauche
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De l’autre, le droit du salarié à une réparation personnalisée
Il faudra attendre les décisions des cours d’appel puis de la Cour de cassation pour trancher ce conflit entre conventionnalité et constitutionnalité.